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Down-hearted

« A six heures du matin, il se lève, toujours habillé, la chemise baillante, hirsute et effaré. Il fait encore nuit. Sa petite lampe ne diffuse qu’une lumière très tamisée, comme dans un tunnel. Il trouve enfin ses médicaments, et les avale avec beaucoup de difficulté mais sans trop y prêter d’attention. Ces petites pilules l’empêchent de penser, de voir au-delà de l’écran noir de ses journées. Après, je ne sais plus bien. Le silence retombe. Je ne l’entends plus. Peut-être frôle-t-il les murs en des caresses sensuelles dont il n’a même pas conscience. Il trouve la salle de bains. Il fait couler l’eau froide, et se réveille... » Je me suis réveillé bouleversé, fou de rage. Le pire, c’est que je ne me souvenais pas pourquoi. Etait-ce parce que j’étais seul ? Je cherche encore. Etait-ce le coup de téléphone de la veille ? Ils veulent partir en vacances en Ecosse, ils veulent que je vienne. Evidemment, je n’irai pas. Ils s’imaginent qu’ils peuvent me faire rencontrer n’importe qui. Ils pensent, sans doute naïvement, que d’un jour à l’autre, par la magie d’une rencontre, ma vie va s’éclairer et subir les changements les plus radicaux. Ceci est malheureusement impossible. Tout d’abord parce que je ne le souhaite pas. A quoi sert de me commettre avec des personnes qui ne m’aimeront jamais, qui ne s’intéresseront jamais vraiment à moi. Non, la plus sûre compagnie reste encore moi-même.

Ce sont bien là les silences que j’aime. Assis à ma table de travail, absorbé, débordé, les mots coulent de mon stylo comme des petits ruisseaux sentimentaux. C’est une satisfaction réelle, un sentiment de plénitude, certes partielle mais qui suffit à me contenter. Cela arrive parfois, car quoi qu’il en soit, et ce depuis l’enfance, ce sentiment est demeuré immuable. Rien n’affecte ma volonté d’écrire, ni les médicaments, ni l’alcool, ni les trahisons.

« Il se lève et se sert une bonne rasade. Et le liquide lui brûle l’intérieur. Et bien que ce soit détestable pendant une seconde ou deux, il trouve que la chaleur qui l’envahit ensuite est apaisante et qu’il se sent bien. Et même, des larmes piquantes lui montent aux yeux. Mais encore ensuite, il ressent une légère nausée et doit se réfugier dans l’un des grands fauteuils de velours blanc du salon, et la tête au creux de l’accoudoir, attendre que ça passe. C’est normal, le ventre vide depuis si longtemps avec tous ces médicaments... Le malaise physique se transforme bientôt en un malaise moral, tapi au creux du son ventre, qui le laisse saoul et désoeuvré. La journée s’enfonce dans les ténèbres. » Cette fois il neige. Une neige sale, presque noire est en train de tomber du ciel, d’assombrir l’après-midi qui s’achève. Dans quelques minutes, ce sera à nouveau fini... Quand le calme s’abat et qu’enfin tout s’apaise... Quand je ne sens plus... Le temps s’efface... Le vide m’envahit et je me sens redevenir triste, si seul. A quoi rime le silence, et avec qui ?

Gravement, je me suis enfermé dans l’amertume. Tout me semblait acide et sans saveur. J’ai parfois été blessé, profondément, mais la plus grande douleur fut de savoir que ma douleur était incomprise.

Les feuilles gisent sur la table. Que dire qui n’ait été maintes fois retourné ? Je me suis psychanalysé pendant des années, et pendant des années, j’en ai pris prétexte pour ne pas vivre, pour ne voir personne. Il a bien fallu que je renonce à me croire fou et guérissable. Je ne suis susceptible que de pourrir sur place, dans ma propre déception. J’attendais tout de la vie, je la sens à côté de moi, prête à me tromper. Maintes fois j’ai fait le récit de cette vie fuyante, maladive et floue. Et après toutes ces années, je n’ai toujours pas réussi à percer mon propre secret. Ma sensibilité a eu raison de moi. Elle m’a épuisé il y a longtemps déjà. Je suis son prisonnier consentant et attentif. Elle ne me laisse m’abandonner nulle part et avec personne. Elle est là qui me retient, qui m’empêche de sombrer et de me réveiller sur le trottoir. Elle me force à me retourner constamment. J’ai cru pouvoir vivre avec ce malaise au fond de moi, en faire un allié, un indéfectible ami. Mais cela ne l’a pas rendu plus viable pour autant.

« Une écharpe orange a été oubliée sur le dossier du divan. Il l’enroule autour de son cou et sort dans la nuit froide et venteuse, à la recherche d’un pub plein à craquer.

« Que sont ces quelques feuilles couchées sur la table, qui attendent qu’une main experte et peu sincère y allonge des souvenirs imprécis ? Il se considère comme un écrivain, qu’il est probablement, mais qui n’a jamais rien publié. Sans fin, il réécrit le récit de sa vie, laissant à la postérité une expérience intérieure mouvementée, déchirée entre la raison et la tentation de la misanthropie la plus hiératique, la plus consciente, la plus réfléchie, la plus préméditée.

« Il est obsédé par cette existence ratée à côté de laquelle il est passé, qu’il n’a pu vivre que de l’intérieur, à l’abri de son corps. Son amour incestueux de lui-même l’a détruit comme une drogue puissante. Il ne trouve de satisfaction que dans la préoccupation constante de son être. Il est à l’heure actuelle l’otage du personnage qu’il a créé autant que de la peur de s’en affranchir. L’absence de réponses à ses questions qui ricochent sur les murs et lui reviennent en certitudes, l’a mené à refaire son parcours sur le papier pour mieux le cerner, l’analyser, le posséder et l’infléchir avec violence. Son abstinence proclamée n’est qu’un leurre grossier pour dissimuler une transe légèrement psychotique. Autant s’écraser à pleine vitesse contre un mur et finir en fumée. La peur qui l’agite, le vertige qui le saisit au regard de son existence, prennent leurs racines dans une émotivité qu’il a patiemment et impunément nourrie, qui fait maintenant partie de lui et à laquelle il s’est accoutumé. Il fallait que cela lui fasse un peu mal. »
La neige fond dès qu’elle touche le sol. Demain, il ne restera que de la boue. Ma vie sociale est aujourd’hui plus agitée. Mais les gens ne m’intéressent réellement que trop peu souvent. Si furtivement ils y parviennent, je leur trouve en revanche bien peu de circonstances atténuantes en ce qui concerne leur conformisme. Je m’attire très vite les sympathies, cela n’est pas un problème. Il y aurait comme un interrupteur en moi qui fait que cette alchimie incompréhensible opère à chaque fois. De fait, les gens qui me détestent le font toujours pour de bonnes raisons. Il importe de faire les choses avec détachement, d’accorder aux événements une importance relative.

Les endroits vides me font peur. Je ne peux m’y perdre. Les haut-parleurs diffusent cette horrible chanson reprise par Doctor and the Medics, "Spirits In The Sky". Un jeune homme rôde autour de ma table. Tout à l’heure, après deux ou trois pintes de plus, il viendra peut-être s’asseoir avec moi. Mais peut-être que je serai déjà parti.

Je déteste aborder les gens avec cet air suggestif et stupide collé sur la face, en sachant pertinemment que mes paroles seront comprises à double sens, et que la seule issue est de sortir à deux quand on était entré seul. Cette pratique qui rapproche à mes yeux l’homme de la bête est une perte de temps considérable pour tout le monde et elle me rend parfaitement malade. Le sexe implique bien trop les sentiments pour accepter de se rouler dans la fange avec quelqu’un que l’on connaît à peine, car c’est aussi une façon de prêter le flanc, de se rendre émotionnellement vulnérable. Mais lorsque la situation l’impose, je reconnais volontiers que je préfère la passivité à l’attaque. Cela me procure un éphémère plaisir. Il m’arrive, le temps d’un regard circulaire, de considérer quelques personnes susceptibles de me plaire, mais jamais je n’avancerai le premier. Maintes occasions se sont ainsi perdues dans la dérive des possibles. Ces personnes ne m’ont pas vu ou étaient occupées ailleurs. Parfois, j’attends avec impatience, mais personne ne vient. tout comme les jours où je suis persuadé que quelqu’un va venir me rendre visite, et personne ne vient. Je sais bien que cette attente est vaine, mais je ne pourrais pas affirmer que malgré moi je n’attends pas. Il faudrait que mon univers s’élargisse, que je puisse m’y promener plus à mon aise, que j’y fasse entrer quelqu’un peut-être. Mais j’ai préféré m’habituer à attendre.

« Que fait-il dans ces pubs miteux ? Il passe le plus clair de son temps à fuir ses amis. Comment agit-il en société ? Il entre dans la pièce de son pas assuré et un rien arrogant. J’ai le souvenir d’une pièce enfumée aux lumières très douces. Le juke-box hurlait "London Calling" lorsqu’il s’est assis, alors seulement, j’ai senti à quel point il était fébrile. Il rejetait souvent sa tête en arrière avec un léger sourire aux coins des lèvres. J'étais fascinée. Il m'avait lâchement donné l’illusion pendant les premières minutes de s’intéresser à moi, puis avait noyé son attention dans la discussion entamée à notre table et m’avait oubliée. Mais le mal était fait. » Le chemin du retour n’est pas aussi triste que l’on pourrait l’imaginer. C’est même le moment de la soirée que je préfère. Il me purifie de la société, de la sueur, des haleines chargées et des heures qui ont défilé en imprimant un coup à chaque passage dans mon cerveau malade.

Chaque jour un peu plus, la vie s’écoule triste et monotone. Il n’y a pas de plaisir à attendre. Elle ne représente à mes yeux que la succession de gestes mécaniques et vitaux et d’une souffrance latente, parfois ridiculement discrète. Tout cela me met profondément mal à l’aise, me rend la vie inconfortable et me tourmente. Je pourrais être le type le plus sain du monde, avec une famille, tout ce qu’il y a de plus normal. Et lorsque je me contemple, je ne vois qu’une espèce de cinglé, un être admirable d’insignifiance. Alors je me rassois à ma table et me remets à travailler, et je trouve soudain que ce que j’écris est de loin la chose la plus intéressante qui m’ait été donné de lire.

« Il se verse un autre verre. A mesure que les années passent, son rapport à l’alcool se fait plus complexe. C’est une relation amoureuse facile qu’il trompe avec volupté. Il ne sera jamais assez vulgaire pour devenir alcoolique, même s’il lui arrive de boire seul chez lui le soir jusqu'à en perdre la raison.

« Il allume machinalement la télévision et revient doucement à sa vie. »
J’ai quelques amis, mais ils ne sont que des personnes externes à mon univers, des gens qui gravitent autour de moi sans prise, sans parvenir à s’accrocher. Pourtant l’amitié est aussi le centre de ma vie puisque je ne crois pas en l’amour. Mais là encore, il faut bien s’avouer qu’elle a ses limites qui sont celles de la nature humaine. L’amitié parfaite n’existe pas. Chaque fois que j’essaye de construire une relation solide avec quelqu’un, tout s’effondre bientôt. Je me retrouve toujours déçu, car la fidélité n’est le propre de personne sur cette terre. Suis-je moi-même tout à fait fidèle ? Et pourtant, j’espère encore... encore sur le qui-vive.

« Les gens qui l’ont aimé partagent leur part de responsabilité à son état. Car personne ne l’a aimé assez pour s’attacher à lui. Il aurait fallu, j’en conviens, beaucoup de cran et de volonté, car rien n’est jamais à sa convenance, selon la conception étrange qu’il se fait de la vie. Il est bien trop exigeant avec son entourage. Par exemple, il arrivait que je m’aperçoive qu’il n’était plus parmi nous et que je le retrouve la tête appuyée contre le mur de la cuisine, errant dans ses pensées, lamentable et absent. J’ai renoncé à lui rendre visite. Sa gentillesse et sa douceur me manquent, mais je n’appréciais que trop rarement qu’elles se transforment en sarcasmes rampants, plus amers qu’une bile. Finalement, il est vrai que sa présence importait peu. Il suffisait à ses amis qu’il soit là et c’est bien le seul effort qu’il consentait à faire. Peut-être la solitude était-elle son dernier recours à défaut d’être le meilleur. J’ai essayé de m’attacher à lui avec une infinie tendresse, la dernière chose qu’il attendait. S’il m’arrive de le revoir de loin en loin, je ne peux plus m’impliquer autant, et je le considère avec une réprobation résignée. Le désordre de sa vie est tel qu’il s’est changé en un rituel organisé auquel il serait dangereux de remédier. Peut-être exprime-t-il ainsi une nostalgie de l’enfance, si parfaite, mais à quel point sublimée par son esprit tourmenté ? Il paraît pourtant assez détaché du passé. Néanmoins, il voue à son enfance un culte dépassant la mesure. Comme si sa vie était révolue, déjà derrière lui, comme s’il avait déjà accompli et vécu l’essentiel. Que retire-t-il donc de cette enfance chétive et ténue ? Pourquoi ce petit être introverti le fascine-t-il autant ? » Ces journées qui finissent trop vite me feront un jour me taper la tête contre les murs. Je ne résiste pas à l’envie de sombrer avec elles. Je me vautre quelque part dans la maison et je m’oublie, en proie à l’inertie, sans aucune volonté de me mouvoir ou simplement d’exister, ne serait-ce que par la pensée. Ces états profondément dépressifs, contre lesquels je ne lutte que rarement, me minent.

Le cadre de ma fenêtre a réduit la vision que j’avais du monde. De là, je peux à mon aise surveiller la rue jusqu'à l’angle du square. C’est sur ce bout de trottoir que, souvent, je la voyais arriver. Elle passe sans s’arrêter.

« Lorsque je passe devant chez lui, lorsque j’y suis obligée, quand mes pas me ramènent malgré moi dans la rue que je sais si bien, je ne lève pas la tête. Il m’observe.

« Sa seule chance est d’être aussi étrangement charismatique. Sans être beau, il resplendit de ses ténèbres. Il couve l’assistance d’une lumière sombre qui nous aveugle. L’ai-je désiré ? Oui, je l’ai désiré, mais le sexe ne l’intéresse pas. Il n’aime ni les hommes ni les femmes, pour ce qu’ils sont. Il ne s’intéresse qu’aux âmes. Il semble incapable de ressentir la moindre émotion physique, il est de fait abruti par les médicaments et trompé par son esprit qui a convaincu son corps d’oubli. Mais sa cruauté envers les femmes est blessante et souvent incompréhensible. Il refuse de reconnaître le sexe en elles et cherche quelque chose qu’il ne trouvera jamais tout simplement parce qu’il n’y est pas. Le mot « hystérie » résume généralement l’état de féminité en général, et avec lui en particulier. Il ne me reste envers lui qu’une grande, une interminable frustration. Celles qui se sont jetées à sa tête s’y sont brisées et ont fini par le haïr, par dépit. Mais le dépit de ses conquêtes est bien le cadet de ses soucis. »
Elle fut une amie chère et je regrette qu’elle ne l’ai pas assez su. Elle ne m’a jamais bien compris. Elle en souffrait et moi davantage encore. Ne pas pourvoir me sentir proche d’elle m’était insupportable, essayer de l’être me rendait physiquement malade. J’espère cette chose sans nom et que je n’atteins que rarement. Pourquoi ne me laisse-t-on pas entrer sans condition, sans poser de questions, sans que cela m’ennuie d’avance d’essayer ? Tout serait tellement plus facile si les gens étaient un peu plus généreux de leur personne. La proximité me révulse, je me sens partout en exil, entouré par des gens qui ne laissent transparaître que leur insignifiance. Je ne peux m’adonner qu’à des activités solitaires et tristes qui finissent par me rendre insensible au temps qui passe. Le chagrin finira par me désoeuvrer totalement.

Il y a des jours où tout s’effondre, des jours où l’on voudrait que l’existence fût autrement. Il n’est pas un sentiment que je n’ai expérimenté. Aucun, hormis la tristesse et le désespoir, ne m’a convenu.

The Only Ones
Ecrit par Gala, le Jeudi 18 Décembre 2003, 22:10 dans la rubrique "Histoires sottes".
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